Suzanne avait 81 ans. Et au moins autant d'enfants. De ces "p'tits" à qui elle n'avait pas donné la vie, mais qui souvent la lui devait quand même. De ces abandonnés de tous qu'elle recueillait depuis plus de 20 ans, ceux que la société avait laissés au bord du chemin et qu'elle recueillait dans sa ferme, pour un repas, une nuit, une semaine, un mois, parfois plus.
Avec son mari Gilbert jusqu'en 2001, seule depuis, elle ouvrait sa ferme, sur la route de Caderousse, à ceux qu'on appelle "sans domicile fixe" et qui sont souvent aussi "sans espoir". Avec sa maigre retraite, et l'aide des associations de Secours et des paroisses, Suzanne offrait le gite, le couvert et la chaleur d'un foyer.
Suzanne avait 81 ans, elle est morte cette semaine, et c'est l'esprit de solidarité des Orangeois qui est en deuil.
Une disparition comme celle ci, c'est souvent aussi, pour ceux qui restent, le regret de ne pas avoir assez accompagné celle que l'on ne reverra plus. La crainte, pourquoi le taire ?, de ne pas toujours se montrer aussi naturellement généreux, de ne pas être à la hauteur de l'héritage qu'elle nous lègue.
Une dernière fois, peut-être, laissons la parole à Suzanne Bézert. Sans esprit de polémique partisane, mais avec le simple constat que la solidarité, ici à Orange, est bien souvent laissée aux associations, aux bonnes volontés individuelles.
"Mais elle réserve ses vrais accès de colère aux "hauts responsables" de sa commune : "j'en veux au maire même si je prie pour lui parce que personne n'est parfait. Mais à Orange il n'y a plus de centre d'accueil pour les SDF , c'est pas humain. Pour se doucher, il doivent aller au Secours Catholique, les lundis et jeudis. Je paie des impôts, j'ai le droit de me fâcher", assène-t-elle en caressant un de ses chats, amoureusement lové sur ses genoux." (La Provence, 11 octobre 2012)
Suzanne avait 81 ans, elle n'est plus. Reste ses "p'tits", aujourd'hui orphelins. Que ferons-nous pour eux ?
(photo : droits réservés)
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