mercredi 20 février 2013

Orange, la confiscation de l'identité

un stand de la convention identitaire
à Orange en novembre dernier
De quoi Orange est-il le nom ?
Orange a longtemps été une charmante petite ville du Sud de la France, au coeur de la Provence. C'est du moins comme ça que nous étions connus. Les plus pointus avaient entendu parler des Chorégies, du Théâtre Antique et de l'Arc de Triomphe. Les accros à Autoroute FM savaient que l'A9 et l'A7 s'y croisaient. Ça sentait les vacances, la lavande et le bonheur de vivre.
Mais ça c'était avant.
Orange n'est plus une charmante petite ville du Sud de la France. Orange est maintenant "la ville du député-maire d'extrême droite Jacques Bompard". 

Oh, député, il l'est. Maire aussi, nul ne lui conteste.
D'extrême droite, évidemment qu'il l'est. En 95, c'est sous l'étiquette Front National qu'il a été élu ; et s'il a quitté depuis le parti (qu'il jugeait trop timoré ?), il en épouse toujours les idées.
Rien d'anormal, donc, aujourd'hui à dire qu'Orange est la ville du député-maire d'extrême droite Jacques Bompard. On peut le regretter, on peut agir pour le changement, mais c'est la loi de la démocratie : 6 Orangeois sur 10 ont choisi de lui confier ce double mandat. 

En 1995, en même temps qu'Orange, les villes de Toulon et de Marignane tombaient dans l'escarcelle du Front National. L'émoi fut national, les réactions variées, allant de l'incrédulité au rejet : certains allant même jusqu'à clamer qu'il fallait boycotter ces villes. Quand au contraire il fallait sans doute y revenir ! Y revenir pour ne pas laisser la place libre. Y revenir pour défendre nos idées. Y revenir pour convaincre et rassembler. Au contraire, parce qu'ils auraient "mal voté", les Orangeois ont souvent été ostracisés. Quant à tous ceux qui n'avaient pas voté Bompard, toux ceux qui ont continué de lutter, tous ceux là se sont, eux aussi, bien souvent senti abandonnés.
Jacques Bompard a joué avec adresse de cet état de fait, se rêvant chef d'un village gaulois assiégé. Contre les "élites", contre les Parisiens (n'oublions pas que nous sommes dans le sud...), contre les gauchistes libertaires, contre les traîtres de la droite classique... contre tous, en somme. Avec un message pour les Orangeois : "les autres ne veulent pas de nous ? Ça tombe bien, nous n'avons pas besoin d'eux, nous ne voulons pas d'eux non plus". Et bien sûr, les "autres" peut englober bien du monde, des commentateurs de St Germain des Près aux immigrés de le 3ème génération...
Voilà comment une ville se retrouve isolé.

Pour en revenir au sujet, nous sommes maintenant "la ville au député maire d'extrême droite". Ce qui n'est après tout que la traduction d'une réalité. Et si elle ne nous convient pas, à nous citoyens orangeois de le montrer aux prochaines élections municipales de 2014. 
Depuis juin dernier, cela dit, le nouveau député se sent pousser des ailes. Multiplie les prises de parole. Parfois sur des sujets en cohérence avec les idées sur lesquelles il a été élu. Parfois moins. En tous cas souvent sous une forme, provocante et outrée, qui est sans doute efficace pour sa publicité personnelle (en bien ou en mal, on a beaucoup parlé de lui dans les médias nationaux), moins pour les causes qu'il défend. Et surtout dévastatrice pour l'image de la ville d'Orange et pour ses habitants.

Deux exemples, un récent, l'autre moins.

Le récent, c'est le débat parlementaire sur le "mariage pour tous". Droit à l'inceste, à la polygamie, etc... Jacques Bompard a déposé de très nombreux amendements, voulant "convaincre par l'absurde" (disait-il). Absurde, il l'a été. Au point de mettre mal à l'aise beaucoup d'opposants au mariage pour tous qui ne se sont pas reconnus dans ses excès. Mais il n'a convaincu personne. Par contre, combien de fois avons-nous entendu parler, dans les médias, de ce député-maire d'Orange ? Suffisamment, j'imagine, pour combler un ego à sa mesure.

Autre exemple, l'accueil par la ville d'Orange de la convention du bloc identitaire, en novembre dernier. Un groupe d'extrême droite, violent et fanatique, qui véhicule des appels à la haine où bien peu d'Orangeois peuvent se reconnaître. Nous l'écrivions à l'époque dans un communiqué de presse : "en accueillant dans sa ville cette convention, M. Bompard montre sa bienveillance à l'égard des thèses dangereuses de ce bloc identitaire. En participant à cette démonstration de haine, c'est même l'ensemble des habitants de la ville que le maire d'Orange engage sur une voie que beaucoup ne partagent pas". Encore une fois, le temps d'un week end, Orange est apparue, aux yeux de tous, comme le lieu d'accueil naturel des rassemblements extrémistes. 
Dernier avatar d'une longue série, notre ville a eu hier soir les honneurs de la télévision. C'était en "prime time", comme on dit ; c'était sur France 5 ; c'était un documentaire de Caroline Fourest intitulé "les enragés de l'identité", consacré au bloc identitaire. Je vous laisse juger, en regardant le documentaire (Orange cité à partir de la 17ème minute) : 
> Revoir le documentaire "les enragés de l'identité" en cliquant ici

Par définition, un maire ne fait jamais l'unanimité. A son élection, tout juste regroupe t'il une majorité de concitoyens, plus ou moins large. Mais sa tâche est importante, puisqu'il doit travailler à construire, pour tous les habitants de sa ville, un projet qui permette de se projeter dans l'avenir ensemble. Aujourd'hui,  ce que nous projetons malheureusement trop souvent, c'est l'image d'une ville acquise aux idées les plus extrêmes, dont le maire n'hésite devant aucune provocation pour glaner ses minutes de célébrité. Au grand dam de nombre de ses concitoyens, y compris de ceux qui avaient pu voter pour lui mais qu'il entraîne sur des champs inattendus.
De gauche, de droite, voire électeurs du Front National, nous nous sommes tous fait confisquer notre identité, nous habitants d'Orange, au profit de la gloriole personnelle d'un Maire.
De quoi Orange est-il le nom ? D'une charmante petite ville du sud de la France. Retrouvons cela !

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