mercredi 20 mars 2013

Cahuzac / Bompard, la bombe et la baudruche

L'un est soupçonné de blanchiment de fraude fiscale. L'autre de prise illégale d'intérêts et d'utilisation des deniers municipaux pour des dépenses "à caractère familial". L'un a démissionné hier. L'autre reste bien installé dans son fauteuil de député-maire. L'un prépare sa défense. L'autre les élections municipales de 2014. Le plus invraisemblable ? Le deuxième nommé, Jacques Bompard donc, réussit à faire son fonds de commerce d'un "tous pourris sauf moi" que connaissent bien les électeurs d’extrême droite.


A ma gauche, un Ministre du Budget démissionnaire. Une information judiciaire vient de s'ouvrir, notamment pour soupçon de blanchiment de fraude fiscale. Le même jour le Ministre en tire la conclusion, en même temps que sa révérence. Normal, me direz-vous - et vous avez sans doute raison. Même s'il est plus tard innocenté, difficile de jouer son rôle de Ministre du Budget avec une telle casserole accrochée à ses basques. S'il est coupable, c'est une affaire grave. S'il ne l'est pas, ça l'est encore plus. Et j'espère qu'à ce moment là on se souviendra des réactions de roquets staliniens d'une partie des politiques, des méthodes robespierristes de Mediapart (Elooody l'écrit mieux que moi, inutile que j'y revienne), ou de cette société de spectacle qui place chaque citoyen dans une posture de juge des moralités.
Je note quand même que Cahuzac n'a pas attendu des mois avant d'annoncer une démission qui était inéluctable de fait. Je note que ses prédécesseurs UMP n'ont pas tous eu la même vivacité.

A ma droite (oui, bien loin à ma droite, au fond, là bas), un député Maire dont la presse unanime annonce déjà la réélection aux prochaines élections municipales... "sauf à ce qu'il soit rattrapé par les affaires judiciaires qui le suivent depuis quelques années". Un Maire donc qui ne devrait sa défaite future qu'à son inéligibilité éventuelle. Soit. 

Et c'est vrai que jusqu'à preuve du contraire, tous les deux sont présumés innocents. Jamais je n'ai attaqué M. Bompard sur cette affaire compliquée, datant de 2008, où il est soupçonné d'avoir favorisé en tant que Maire les intérêts d'une société civile immobilière juste avant d'en faire l'acquisition. La justice tranchera sans doute un jour, même si elle prend son temps.
On pourrait croire que les mêmes causes produisant les mêmes effets, ceux qui applaudissent à l'éviction d'un Ministre posent le même regard sur notre Maire. Mais non ! Puisque M. Bompard l'affirme, c'est que c'est vrai : toute cette histoire n'est qu'un complot ourdi par les socialistes, relayé par les bobos parisiens qui veulent détruire la Provence, rien de moins. Jonglant avec un régionalisme détourné (version "village gaulois" contre les envahisseurs, qu'ils viennent de Paris ou de l'autre côté de la Méditerranée), notre Maire se pose en victime d'un système qui voudrait le broyer. Un discours évidemment porteur, ici en Provence où le sentiment d'identité se veut très marqué, et dans un contexte de crise où chacun cherche un coupable - Paris ou l'Europe en fournissant de tout trouvés.
Non seulement, ces déboires judiciaires ne le desservent pas, mais il sait en tirer profit pour jouer sa partition favorite, celle de l'Orangeois libre et indocile qui va défendre nos intérêts face à une classe politique pourrie. Plouf plouf. Comment dire, Jacques ? Tu es maire depuis 18 ans ; avant cela tu as été conseiller régional à partir de 1986 ; tu as installé ta femme à la mairie de Bollène ; tu as été (et ta femme également) conseiller général 10 années durant avant d'être élu député en ayant su t'attacher les faveurs de maires UMP des environs ; les enfants, les gendres ou les neveux deviennent facilement tes salariés... Comment dire ? Tu en ferais pas un peu partie, du système ??
Nous avons un Maire malin qui a su faire d'une possible accusation un argument électoral. La preuve qu'il est innocent ? Ce sont les socialistes et les parisiens qui l'accusent. Intéressant.
A telle enseigne, d'ailleurs, que les 5 ans écoulés pendant lesquels la justice a semblé musarder deviennent un véritable argument en sa faveur. Pensez ! S'il était coupable, ça fait longtemps qu'il serait tombé ! Ceux qui connaissent un peu la lenteur de la justice savent pourtant que ce délai en dit plus long sur la lenteur et les dysfonctionnement de l'institution que sur l'innocence de M. Bompard (ou que sur sa culpbilité, d'ailleurs - rappelons le, il est présumé innocent).

Plus intéressant, encore. Il est une péripétie où notre Maire a du reconnaitre les faits. En 2011, il a été épinglé par un rapport de la Chambre régionale des comptes, qui a noté des irrégularités dans le gestion municipale, portant notamment sur des "dépenses à caractère familial", qui ressemblaient fortement à un complément de traitement déguisé.
Une bagatelle : à peine plus de 158 000 euros...
Pour sa défense, Jacques Bompard relevait "le flou de la réglementation et donc de la difficulté à distinguer ce qui relève des frais de représentation de ce qui n'en relève pas".
Difficulté à distinguer ?? C'est par exemple d'un séjour de 5 jours à Spa que l'on parle. De vinothérapie, de factures de hammam et de bains thermaux. De l'achat d'instrument de musique, de parfums, de cigares, de literie (!)... Je n'invente rien, tout est dans le rapport.
Flou, vraiment ?
Si notre Maire avait du mal, compte tenu de ses fins de mois difficiles, à offrir un parfum à sa douce femme, il aurait du nous le demander... On se serait cotisé, on aurait fait une quête. Les 30 000 Orangeois auraient sans doute mis 5 euros au pot avec plaisir, et on serait arrivé au même résultat : plus de 150 000 euros.
Bon, par contre, il aurait fallu qu'il nous demande, quand même. C'est toujours un peu désagréable, cette impression qu'on nous fait les poches...
Bref, notre Maire a un peu confondu pendant des années budget municipal et budget personnel. Certes mort d'homme il n'y a pas eu. Soucieux de son bien être, j'espère même que le hammam l'a bien relaxé (à l'occasion, je vous recommande d'ailleurs le hammam, cette belle invention originaire du Maghreb et du Moyen Orient et que nous avons su assimiler ici en Europe).
Mais tout de même, on aurait pu croire que ce rapport accusateur, bien relayé par la presse, aurait soulevé quelques interrogations dans la population, si ce n'est une indignation. 
Eh bien non, en fait. Ou très peu. Comme si on s'était habitué à l'idée que les hommes politiques, même ceux qui se prétendent différents, ont le droit de puiser dans la caisse.

C'est ça qui est formidable, avec notre Maire. Habituellement, des discours "tous pourris" ou des pratiques douteuses de certains, on entend la même chose : "ne généralisons pas, vous faites le jeu de l'extrême droite". Mais lui, même quand il est au coeur des pratiques visées, il parvient quand même à en faire son jeu !

> pour un petit florilège des (premières) réactions à la démission de Jérôme Cahuzac, c'est ici
> et comme quoi on peut être de droite et ne pas tomber dans la caricature, c'est ;)

1 commentaire:

  1. Mis en cause dans votre article, je souhaite apporter réponse à vos propos ou, du moins, à ceux qui correspondent à des faits, puisque, hélas, votre article comporte principalement des insinuations.

    Vous citez complaisamment un extrait du rapport de la Chambre Régionale des Comptes afin d'apporter du crédit à une accusation « d'irrégularités » dans ma gestion. Mais vous ne citez pas le rapport dans sa totalité et notamment la partie, essentielle pourtant pour une compréhension du dossier, dans laquelle je ramène à zéro les observations qui me sont faites. Le procédé n'est pas honnête et caractérise votre intention. J'ajoute que, bien logiquement, la publication de ce rapport n'a été suivie d'aucune poursuite de la part des magistrats comme ils en ont pourtant le droit – et le devoir ! - lorsqu'ils relèvent une malversation ou une illégalité relevant du pénal. Vous comprendrez donc le caractère insupportable d'un article comme le vôtre qui, loin de refléter la réalité des choses, utilise un rapport technique à des fins polémiques.

    J'affirme donc de nouveau que les dépenses privées que vous citez dans votre article ont été payées par mon épouse ou moi-même et en aucun cas par la commune. Au demeurant, les magistrats de la Chambre Régionale des Comptes n'ont jamais prétendu le contraire.


    Jacques Bompard

    maire d'Orange

    député de Vaucluse

    RépondreSupprimer